Ouvrez LinkedIn un lundi matin. Ou n’importe quel jour, en fait.
Trois scrolls. Quatre coachs.
Coach en business. Coach en alignement énergétique. Coach en reconversion pour hypersensibles multipotentiels introvertis.
Chacun propose « un accompagnement sur mesure », « un cadre bienveillant » ou « un espace pour se révéler ».
Le tout « centré sur l’humain », évidemment.
Comme à peu près tous les messages marketing actuels, tous secteurs confondus.
Le truc, c’est qu’à la fin du post, on ne sait toujours pas ce qu’ils font.
Concrètement.
Et je vous jure que j’essaie de comprendre.
Bienvenue dans l’ère du coaching inflationniste.
L’hôpital qui se fiche de la charité ?
Ceux qui me connaissent le savent : une partie de mon job consiste à coacher.
En santé au travail, en préparation physique, en nutrition, en optimisation des process RH ou de campagnes marketing… au sens strict, oui, je coache.
Poils qui s’hérissent.
Cette étiquette, je l’assume autant que je la redoute. Et c’est bien pour ça que j’écris cet article.
Je m’explique :
- Est-ce que je suis réfractaire à la pratique du coaching ? Non.
- Est-ce que j’ai un souci avec la linguistique du mot ? Toujours pas.
- Est-ce que j’ai un problème avec l’interprétation qu’on en fait aujourd’hui ? Oui.
- Est-ce que le flou sur la crédibilité et la légitimité me dérange ? Oui.
- Est-ce que les égos démesurés et les gourous LinkedIn m’exaspèrent ? Oh que oui.
- Est-ce que le manque d’esprit critique d’une génération d’assistés me questionne ? Carrément.
Donc non, ce n’est pas un pamphlet anti-coaching.
Quand il est bien fait, avec de vraies bases, un cadre clair et un objectif d’autonomisation, c’est du gagnant-gagnant.
Mais on ne va pas se mentir : les dérives pullulent.
Bullshit inspirant à 200.- l’heure, gouroutisation déguisée en guidance, perte totale d’autonomie du côté des clients… et zéro remise en question. Ca en fait, des phénomènes aussi intéressants que préoccupants à constater.
Allez, on décortique.
Quand tout le monde est coach, plus personne ne l’est vraiment
Le coaching est devenu un label vide.
Une étiquette qu’on colle sur son profil comme on colle un filtre Instagram : flatteuse, lisse, un peu fake, mais qui passe bien à l’écran.
Et si ce phénomène explose, ce n’est pas juste à cause de tous ces coachs qui surfent sur la vague.
C’est aussi — et surtout — à cause de ceux qui en consomment, aveuglément.
Qui paient pour se faire guider sans même poser les questions de base :
T’as été formé où ? Par qui ? T’as fait quoi concrètement ? T’as des résultats ou juste des mantras ?
S’autoproclamer coach, c’est flatteur.
Ça donne l’illusion d’avoir “quelque chose à transmettre” — même quand on n’a pas encore réglé ses propres nœuds.
Beaucoup se positionnent en maîtres de sagesse, là pour “élever les consciences”, “révéler les potentiels”, “guider les âmes égarées”…
Mais la vérité ? C’est souvent juste une posture.
Ma vision, à moi, elle tient en deux mots : co-construction.
Je n’ai aucune envie de me positionner comme celle “qui sait”. Je trouve ça prétentieux, même.
Un bon coach n’est pas un distributeur de certitudes, c’est un miroir honnête.
Un repère, pas un gourou.
Et surtout : un coach apprend en même temps qu’il transmet.
Parce que chaque échange est un terrain d’humilité. Parce que l’autre est un terrain d’apprentissage, pas juste un terrain d’intervention.
Pour moi, c’est ça, la vraie différence.
Allez comprendre.
Posez la question à ces coachs :
« C’est quoi exactement ton métier ? »
La réponse, neuf fois sur dix, c’est un alignement de mots creux qui ne répondent pas vraiment à la question:
« J’aide les femmes à incarner leur puissance en se reconnectant à leur vérité. »
« J’accompagne les leaders à devenir la meilleure version d’eux-mêmes. »
Ok. Très bien.
Et… ça veut dire quoi, concrètement ?
T’as une méthode ?
Un cadre ?
Des outils ?
Un protocole, une approche, une logique, un minimum de structure, peut-être ?
Ou tu me vends juste un miroir bienveillant à 180 CHF la séance, dans un cabinet chaleureux qui sent l’huile essentielle de lavande ?
Et c’est bien là, le nœud du problème.
Souvent, on ne comprend pas ce que ces coachs proposent concrètement.
Quel est le vrai changement qu’ils peuvent vous apporter ?
En quoi votre situation sera-t-elle différente après leur intervention ?
C’est flou. Et ce flou-là, il est franchement pénible.
Alors oui, si vous ne comprenez pas clairement ce que ce gaillard peut faire pour vous — avec quoi vous repartez, ce que vous allez mettre en place, ce qui va bouger — je vous avoue que j’ai du mal à comprendre pourquoi vous feriez appel à ses services.
Une génération d’assistés ?
Je l’ai dit plus haut : si les coachs pullulent, c’est bien parce qu’il y a une demande.
Tous ne percent pas — loin de là.
Beaucoup se lancent, essaient… puis ferment boutique.
Parce qu’aussi peu exigeants que soient devenus certains clients, tout le monde n’est pas encore prêt à payer pour du vent. Heureusement.
Mais ce qui me questionne profondément, c’est l’assistanat grandissant.
Et sa version la plus aboutie ? L’omniprésence des coachs de vie.
Coach de vie ? Vraiment ?
On doit être coaché pour vivre maintenant ?
Et ces coachs de vie, ils sont coachés par d’autres coachs de vie ? On part où là ?
Chercher du soutien est normal.
Demander de l’aide aussi.
Mais vouloir appuyer sur le bouton “accompagnement” à chaque étape, faire appel à un coach pour chaque doute, chaque inconfort, chaque zone grise du quotidien…
Ça, franchement, ça me dépasse.
Mais c’est à l’image de la société actuelle :
Beaucoup d’individus qui ne vibrent plus, qui veulent tout externaliser, qui attendent qu’on leur mâche les choix, les décisions, les actions.
Plus d’élan. Plus d’effort.
Juste le besoin que quelqu’un d’autre fasse le job.
Et à force de déléguer notre vie à des coachs,
on finit par sous-traiter notre propre pouvoir d’agir.
Dommage.
Grosse ambiance. On condamne le coaching ?
Bien sûr que non.
Le coaching, le vrai, a toute sa place.
Mais voici mon conseil, simple et sans hashtag inspirationnel :
Un bon coach ne vous rend pas dépendant.
Il ne cherche pas à créer un abonnement à vie pour vous maintenir dans sa sphère.
Un bon coach :
- vous aide à clarifier,
- vous aide à structurer,
- vous pousse à avancer avec méthode,
- et surtout, vous rend autonome le plus vite possible.
C’est ça, le contrat moral.
Et pour savoir si vous avez affaire à un coach solide ou à un vendeur de vide bien marketé…
Il n’y a pas de raccourci.
Il va falloir activer votre esprit critique.
J’en ai parlé dans un précédent article : apprendre à faire le tri entre les discours creux et les accompagnements fondés, c’est vital.
Développez votre capacité à questionner, à comprendre ce qui vous est proposé, à refuser ce qui sonne creux — même si c’est joliment formulé.
Parce qu’à la fin, un bon coach ne vous promet pas une version idéalisée de vous-même.
Il vous aide à redevenir acteur de votre propre vie.
Conclusion : le coaching, c’est cool. Quand c’est bien pratiqué et réceptionné.
Le coaching est un métier utile, puissant, nécessaire.
Mais ce n’est ni une incantation magique,
ni une excuse pour ne pas se mettre au travail.
Alors, LinkedIn, va-t-il bientôt nous coacher à respirer ?
Peut-être.
Mais respirer, ça reste gratuit (pour l’instant, du moins).
Donc si quelqu’un essaie de vous le facturer… fuyez.
Avec bienveillance,
votre coach pompeuse en prise de conscience,
Mélanie
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